UNION
NAUTIQUE
DE
PORT MIOU
ET DES CALANQUES.
Rue du Docteur Séverin
Icard
13260. CASSIS
Monsieur
le Directeur du GIP Calanques,
J’ai
lu avec beaucoup d’intérêt les documents de travail que vous avez bien
voulu nous envoyer pour préparer la discussion du CA du GIP, le 29 Novembre
2007 et j’ai été très satisfait de la décision prise
par ce CA.
Plutôt
que d’engager une discussion sur la partition en Cœurs de Parc et Zones d’Adhésion,
un autre choix (que j’ai moi-même proposé) a été effectué
: d’abord définir les usages, discuter des types
de réglementation envisageables, engager le débat avec les usagers
concernés et ensuite seulement décider,
à la lumière de ces nouvelles données, si telle zone devra plutôt
appartenir à un Coeur de Parc ou à une Zone d'Adhésion.
J’ai été
dans l’impossibilité de participer à la dernière AG du GIP,
le mardi 18 Décembre, et je souhaiterais donc prolonger cette discussion par
quelques remarques qui concernent non seulement la calanque de Port Miou mais, plus
généralement, la pratique de la plaisance dans le cadre du futur Parc
National, sachant que la majorité des membres du CA du GIP n’est pas forcément
très informée sur ces questions.
-1-
Parlons d’abord de méthode :
mes commentaires concernent le document principal d’expertise sur la partie
maritime « Contribution au projet de territoire du futur parc national
des Calanques ». Ils n’ont pas pour objet de mettre en cause la valeur incontestable
de ces travaux mais, par un éclairage un peu différent, de leur apporter
quelques corrections nécessaires.
Bref
rappel, la méthode qui fonde l’exigence de protection des sites terrestres
et maritimes relève d’une analyse scientifique : par méthode
donc, la complexité de la situation réelle exige des « réductions »,
i.e. l’élaboration d’une représentation « idéelle »,
décrite par quelques descripteurs bien identifiés (massifs de
posidonies, pollution des eaux, courants, zones d’échanges, géographie
sous marine, poissons, espèces à protéger, etc…).
Évidemment,
la méthode ne vaut qu’à la condition de ne pas confondre
la situation idéelle (i.e. le modèle) et la situation réelle,
ce qui justifie pleinement de questionner les premières conclusions par
l’introduction de nouveaux paramètres…
-2-
Le premier d’entre eux
concerne la calanque de Port Miou qui, en attendant d’être (peut-être
un jour) dans un Coeur de Parc est au coeur de nos préoccupations… Le problème
du mouillage des bateaux exige de prendre en considération un élément
d’une extrême importance, qui relève non pas d’une analyse locale
des pollutions mais d’un bilan écologique et énergétique
global :
les « aménageurs » reconnaissent maintenant la nécessité
de prendre en compte ce type de considération.
Au delà de la question
du coût financier, nous devons en effet nous poser la question du coût
écologique et énergétique global mis en jeu dans la réalisation
et la maintenance d’un port artificiel (permettant comme à Port Miou d’accueillir
480 bateaux).
Cette remarque est très
générale. Elle vaut aussi bien pour Port Miou que, par exemple, pour
les abris des côtes de Bretagne : sous réserve d’un contrôle des
pollutions locales, l’impact écologique minimum est évidemment celui
consistant à mouiller des bateaux dans des abris naturels ou estuaires de
cours d’eau.
Du
point de vue énergétique, la possibilité de mouillage à
Port Miou est sans conteste et de très loin la solution la plus écologique,
les infrastructures se limitant à des pontons en bois et leur entretien se
limitant au remplacement périodique des planches des pontons. Le rapport scientifique
n’évoque pas ce paramètre.
-3-
Le rapport présente par ailleurs certaines difficultés :
-
Il
reconnaît (page 19) la difficulté à analyser l’impact réel
du développement de la plaisance sur le milieu marin. Pour commencer, on pourrait
éviter l’amalgame qui, sous le terme de plaisance, englobe des réalités
très différentes et distinguer (comme cela est évoqué
page 13) des activités qui n’ont pas du tout le même impact sur le milieu
naturel : « pêche de plaisance », navigation à
voile, usage d’engins motorisés de tous types…
- Il reconnaît ses propres insuffisances scientifiques, certaines zones n’étant pas totalement connues.
-
Concernant
la calanque de Port Miou en particulier, on peut regretter que le rapport omette
de préciser qu’il s’agit d’une sorte de friche industrielle pour la partie
terrestre et d’un abri naturel pour la partie marine, dont l’une des particularités
est que, de très longue date, les bateaux sont mouillés sur une chaîne
mère.
-4- La présence de bateaux dans la calanque de Port Miou, par conséquent, ne saurait être tenue pour responsable de l’absence de posidonies ou autres dégradations, les plaisanciers et leurs clubs ayant quant à eux (et majoritairement) une pratique respectueuse de l’environnement, même si des progrès sont toujours réalisables.
-
Pour
évaluer l’impact de la plaisance à Port Miou, il aurait été
bon de disposer d’une batterie d’analyses successives effectuées au cours
des années passées, permettant de tester les hypothèses et de
mettre en évidence d’éventuelles évolutions. Une telle démarche
n’apparaît pas dans le rapport.
-
Je
peux toutefois indiquer que jusqu’à une époque récente, tant
que l’Union Nautique de Port Miou et des Calanques avait la responsabilité
de gestion du plan d’eau, l’Union Nautique faisait régulièrement procéder
à des analyses d’eau et de sédiments dans la calanque. Notre objectif
était de contrôler si une présence anormale d’éléments
lourds (tels ceux présents dans les peintures antifouling) était décelable
et aurait pu être imputée à la présence des bateaux. Mais
tel n’a jamais été le cas.
-
L’une
des explications possibles de cet heureux résultat est l’existence de courants,
à l’intérieur de la calanque, qui réalisent un brassage suffisant
pour favoriser les échanges avec l’extérieur. Ces courants produits
par des sources d’eau douce entraînent localement des taux de salinité
dans un rapport 1/2 par rapport à la valeur normale, ce qui n’est sûrement
pas sans incidence sur la végétation sous marine… je ne suis pas spécialiste
de ces questions.
-
Une
autre explication de la qualité des eaux réside dans l’attention particulière
que les plaisanciers de Port Miou manifestent depuis longtemps quant à la
protection de l’environnement : le Président de l’Union Nautique a été
l’un des initiateurs du classement (en 1975) de Port Miou en site protégé,
le Club Nautique de Port Miou, depuis plusieurs années, soutient financièrement
l’équipement des bateaux en cuves à eaux noires, chaque année
est organisée une opération de nettoyage de la calanque, etc…
-5-
En résumé,
la réalité de la situation écologique de la Calanque de Port
Miou n’apparaît pas très clairement : cela ne serait pas très
gênant (dans un rapport dont on peut admettre qu’il ne peut pas tout dire sur
tout) si ce rapport n’évoquait l’état de «détérioration
actuelle» de la calanque de Port-Miou, sa « capacité de restauration »
(page 33) et pourquoi pas « la reconquête
d’espaces banalisés par l’enlèvement de structures (page 12)…
Même
si tel n’est pas fondamentalement le but poursuivi par le rapport, cette proposition
induit insidieusement l’idée d’une responsabilité de la plaisance
quant à cette « dégradation ». Cette proposition
qui n’est pas de nature scientifique exige un démenti, ce n’est qu’une opinion
qui n’engage que ceux qui y adhèreraient sans plus ample démonstration.
-6-
Cette opinion renvoie à
une autre affirmation exprimée par ailleurs dans le texte de l’AOT de Port
Miou, texte selon
lequel il conviendrait de limiter le nombre de bateaux mouillés dans la calanque
(avec certainement la « bonne » intention de limiter les
pollutions) pour affecter aux bateaux de passage les places
ainsi libérées.
Il
s’agit là d’une vraie fausse bonne idée… et la démonstration
est évidente.
En effet, toutes les statistiques
indiquent que les bateaux de plaisance sortent en moyenne moins d’un mois par an.
Et Port Miou n’échappe pas à
cette observation.
Par conséquent,
une affectation majoritaire à des bateaux de passage impliquerait inévitablement
des rotations de bateaux beaucoup plus fréquentes, avec des passagers plus
ou moins responsabilisés sur la question des risques écologiques, séjournant
à plus grand nombre dans la calanque, rejetant dans la calanque eaux de vaisselle
et eaux noires, faisant tourner leur moteur pour les besoins de la vie à bord,
etc…
Pour
toutes ces raisons, une sur-fréquentation en passagers
impliquerait évidemment une sur-pollution
de la calanque.
D’une manière plus
générale, les conditions d’utilisation du site de Port Miou sont
actuellement définies dans le texte de l’AOT. La plupart d’entre elles sont
très respectables, quelques autres sont discutables et devront être
remises en chantier dans le cadre du Parc National. Par exemple, nous avons déjà
pointé la nécessité de
restaurer une installation de levage des bateaux pour pouvoir répondre
à une situation d’avarie.
Tous ces points devront être mis en débat. Pour notre part, nous y sommes
ouverts.
-7- Dans l’analyse des
impacts écologiques, il
sera nécessaire en particulier de distinguer les différents types de
navigation et de bateaux : navigation à voile, navigation à bord
d’embarcations équipées d’un moteur de faible consommation, moteurs
hors-bord 4 temps ou 2 temps, navigation à bord d’engins rapides disposant
de 200 chevaux ou plus… Sauf dans ce cas particulier, on peut considérer que
la pratique de la plaisance est plutôt moins polluante et moins émettrice
en CO2 que les autres formes de tourisme.
Pour
des raisons évidentes, on doit convenir que la calanque de Port Miou ne doive
pas accueillir n’importe quel type de bateau et cette question devra être incluse
dans le débat sur la réglementation des usages.
-8- Un cas exemplaire…
Je
voudrais à ce propos attirer l’attention sur un exemple de « réglementation
des usages »
dont il est question actuellement, qui vise purement et simplement à interdire
le mouillage dans la calanque d’En-Vau.
Quels arguments plaideraient
en faveur de cette interdiction ?
-
détérioration
des massifs de posidonie par les ancres des bateaux,
-
conflits
d’usage entre plaisanciers, bateliers, baigneurs, canotiers…
Partant
d’un constat (dont nous ne discuterons pas ici la validité), est proposé
un remède qui se présente, là encore, comme une vraie fausse
bonne idée…
-
On
élimine le supposé « conflit d’usage » (page
16) en supprimant tous les usages sauf un (merci pour les autres).
-
On
évacue les autres solutions possibles : il n’y aurait plus ni conflit
d’usage ni détérioration
dues aux ancres simplement en adoptant une solution de mouillage sur bouées.
-
Plus
grave : on ne projette pas l’impact d’une telle mesure :
o
ni
sur le plan écologique, car la rotation à grande vitesse des bateaux
de visite des calanques présente plus de risques qu’elle n’en
élimine : elle va augmenter le nombre de rotations (ce qui est
l’objectif économique évidemment poursuivi) et donc la pollution liée
aux échappements des gros moteurs,
o
ni
sur le plan de la sécurité : elle supprime un abri naturel qui
par temps de mistral peut s’avérer précieux pour les petites embarcations.
-
En
réalité, au lieu de favoriser une régulation et une mixité
des usages, et sous couvert de protection écologique, on succombe aux charmes
d’une utilisation commerciale des calanques.
Ce
cas est tout à fait exemplaire… exemplaire d’une méthode de prise
de décision à proscrire, grossièrement
irrespectueuse des usagers qui n’ont été ni informés ni consultés,
contraire à toutes les déclarations d’intention depuis la visite l’an
dernier de l’ancienne Ministre Madame Nelly OLLIN.
Exemple
donc, à ne pas suivre !
Voilà
donc quelques réflexions que je souhaitais mettre en discussion au niveau
du GIP et des usagers de Port Miou.
Elles
élargissent les points de vues présentés dans les rapports scientifiques
et je persiste à penser que ce n’est qu’en ouvrant le débat que nous
pourrons défendre l’idée du Parc National et que nous parviendrons
à des solutions durables, admises par la grande majorité des usagers
et pour le plus grand bien de tous !!!
Dans un souci de rigueur,
je dois indiquer que ces réflexions ont été approuvées
par le Conseil d’Administration de l’UNPMC (le 21 Janvier 2008) mais qu’elles
n’ont pas encore été débattues en Assemblée Générale.
J’ai cependant la conviction qu’elles seront largement partagées.
Président de l’UNPMC