UNION  NAUTIQUE

DE PORT MIOU ET DES CALANQUES.

 

Maison de l’Europe et de la Vie associative

Rue du Docteur Séverin Icard

13260. CASSIS

Marseille, le 30 Janvier 2008

 

 

 

 

Monsieur le Directeur du GIP Calanques,

 

 

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt les documents de travail que vous avez bien voulu nous envoyer pour préparer la discussion du CA du GIP, le 29 Novembre 2007 et j’ai été très satisfait de la décision prise par ce CA.

Plutôt que d’engager une discussion sur la partition en Cœurs de Parc et Zones d’Adhésion, un autre choix (que j’ai moi-même proposé) a été effectué : d’abord définir les usages, discuter des types de réglementation envisageables, engager le débat avec les usagers concernés et ensuite seulement décider, à la lumière de ces nouvelles données, si telle zone devra plutôt appartenir à un Coeur de Parc ou à une Zone d'Adhésion.

 

J’ai été dans l’impossibilité de participer à la dernière AG du GIP, le mardi 18 Décembre, et je souhaiterais donc prolonger cette discussion par quelques remarques qui concernent non seulement la calanque de Port Miou mais, plus généralement, la pratique de la plaisance dans le cadre du futur Parc National, sachant que la majorité des membres du CA du GIP n’est pas forcément très informée sur ces questions.

 

 

-1-  Parlons d’abord de méthode : mes commentaires concernent le document principal  d’expertise sur la partie maritime « Contribution au projet de territoire du futur parc national des Calanques ». Ils n’ont pas pour objet de mettre en cause la valeur incontestable de ces travaux mais, par un éclairage un peu différent, de leur apporter quelques corrections nécessaires.

Bref rappel, la méthode qui fonde l’exigence de protection des sites terrestres et maritimes relève d’une analyse scientifique : par méthode donc, la complexité de la situation réelle exige des « réductions », i.e. l’élaboration d’une représentation « idéelle », décrite par quelques descripteurs bien identifiés (massifs de posidonies, pollution des eaux, courants, zones d’échanges, géographie sous marine, poissons, espèces à protéger, etc…).

Évidemment, la méthode ne vaut qu’à la condition de ne pas confondre la situation idéelle (i.e. le modèle) et la situation réelle, ce qui justifie pleinement de questionner les premières conclusions par l’introduction de nouveaux paramètres

 

 

-2- Le premier d’entre eux concerne la calanque de Port Miou qui, en attendant d’être (peut-être un jour) dans un Coeur de Parc est au coeur de nos préoccupations… Le problème du mouillage des bateaux exige de prendre en considération un élément d’une extrême importance, qui relève non pas d’une analyse locale des pollutions mais d’un bilan écologique et énergétique global : les « aménageurs » reconnaissent maintenant la nécessité de prendre en compte ce type de considération.

 

Au delà de la question du coût financier, nous devons en effet nous poser la question du coût écologique et énergétique global mis en jeu dans la réalisation et la maintenance d’un port artificiel (permettant comme à Port Miou d’accueillir 480 bateaux).

Cette remarque est très générale. Elle vaut aussi bien pour Port Miou que, par exemple, pour les abris des côtes de Bretagne : sous réserve d’un contrôle des pollutions locales, l’impact écologique minimum est évidemment celui consistant à mouiller des bateaux dans des abris naturels ou estuaires de cours d’eau.

Du point de vue énergétique, la possibilité de mouillage à Port Miou est sans conteste et de très loin la solution la plus écologique, les infrastructures se limitant à des pontons en bois et leur entretien se limitant au remplacement périodique des planches des pontons. Le rapport scientifique n’évoque pas ce paramètre.

 

 

-3- Le rapport présente par ailleurs certaines difficultés :

-       Il reconnaît (page 19) la difficulté à analyser l’impact réel du développement de la plaisance sur le milieu marin. Pour commencer, on pourrait éviter l’amalgame qui, sous le terme de plaisance, englobe des réalités très différentes et distinguer (comme cela est évoqué page 13) des activités qui n’ont pas du tout le même impact sur le milieu naturel : « pêche de plaisance », navigation à voile, usage d’engins motorisés de tous types…

-        Il reconnaît ses propres insuffisances scientifiques, certaines zones n’étant pas totalement connues.

-       Concernant la calanque de Port Miou en particulier, on peut regretter que le rapport omette de préciser qu’il s’agit d’une sorte de friche industrielle pour la partie terrestre et d’un abri naturel pour la partie marine, dont l’une des particularités est que, de très longue date, les bateaux sont mouillés sur une chaîne mère.

 

 

-4- La présence de bateaux dans la calanque de Port Miou, par conséquent, ne saurait être tenue pour responsable de l’absence de posidonies ou autres dégradations, les plaisanciers et leurs clubs ayant quant à eux (et majoritairement) une pratique respectueuse de l’environnement, même si des progrès sont toujours réalisables.

-       Pour évaluer l’impact de la plaisance à Port Miou, il aurait été bon de disposer d’une batterie d’analyses successives effectuées au cours des années passées, permettant de tester les hypothèses et de mettre en évidence d’éventuelles évolutions. Une telle démarche n’apparaît pas dans le rapport.

-       Je peux toutefois indiquer que jusqu’à une époque récente, tant que l’Union Nautique de Port Miou et des Calanques avait la responsabilité de gestion du plan d’eau, l’Union Nautique faisait régulièrement procéder à des analyses d’eau et de sédiments dans la calanque. Notre objectif était de contrôler si une présence anormale d’éléments lourds (tels ceux présents dans les peintures antifouling) était décelable et aurait pu être imputée à la présence des bateaux. Mais tel n’a jamais été le cas.

-       L’une des explications possibles de cet heureux résultat est l’existence de courants, à l’intérieur de la calanque, qui réalisent un brassage suffisant pour favoriser les échanges avec l’extérieur. Ces courants produits par des sources d’eau douce entraînent localement des taux de salinité dans un rapport 1/2 par rapport à la valeur normale, ce qui n’est sûrement pas sans incidence sur la végétation sous marine… je ne suis pas spécialiste de ces questions.

-       Une autre explication de la qualité des eaux réside dans l’attention particulière que les plaisanciers de Port Miou manifestent depuis longtemps quant à la protection de l’environnement : le Président de l’Union Nautique a été l’un des initiateurs du classement (en 1975) de Port Miou en site protégé, le Club Nautique de Port Miou, depuis plusieurs années, soutient financièrement l’équipement des bateaux en cuves à eaux noires, chaque année est organisée une opération de nettoyage de la calanque, etc…

 

 

-5-  En résumé, la réalité de la situation écologique de la Calanque de Port Miou n’apparaît pas très clairement : cela ne serait pas très gênant (dans un rapport dont on peut admettre qu’il ne peut pas tout dire sur tout) si ce rapport n’évoquait l’état de «détérioration actuelle» de la calanque de Port-Miou, sa « capacité de restauration » (page 33) et pourquoi pas « la reconquête d’espaces banalisés par l’enlèvement de structures (page 12)…

Même si tel n’est pas fondamentalement le but poursuivi par le rapport, cette proposition induit insidieusement l’idée d’une responsabilité de la plaisance quant à cette « dégradation ». Cette proposition qui n’est pas de nature scientifique exige un démenti, ce n’est qu’une opinion qui n’engage que ceux qui y adhèreraient sans plus ample démonstration.

 

 

-6- Cette opinion renvoie à une autre affirmation exprimée par ailleurs dans le texte de l’AOT de Port Miou, texte selon lequel il conviendrait de limiter le nombre de bateaux mouillés dans la calanque (avec certainement la « bonne » intention de limiter les pollutions) pour affecter aux bateaux de passage les places  ainsi libérées.

Il s’agit là d’une vraie fausse bonne idée… et la démonstration est évidente.

En effet, toutes les statistiques indiquent que les bateaux de plaisance sortent en moyenne moins d’un mois par an. Et Port  Miou n’échappe pas à cette observation.

Par conséquent, une affectation majoritaire à des bateaux de passage impliquerait inévitablement des rotations de bateaux beaucoup plus fréquentes, avec des passagers plus ou moins responsabilisés sur la question des risques écologiques, séjournant à plus grand nombre dans la calanque, rejetant dans la calanque eaux de vaisselle et eaux noires, faisant tourner leur moteur pour les besoins de la vie à bord, etc…

Pour toutes ces raisons, une sur-fréquentation en passagers impliquerait évidemment une sur-pollution de la calanque.

 

D’une manière plus générale, les conditions d’utilisation du site de Port Miou sont actuellement définies dans le texte de l’AOT. La plupart d’entre elles sont très respectables, quelques autres sont discutables et devront être remises en chantier dans le cadre du Parc National. Par exemple, nous avons déjà pointé la nécessité de restaurer une installation de levage des bateaux pour pouvoir répondre à une situation d’avarie. Tous ces points devront être mis en débat. Pour notre part, nous y sommes ouverts.

 

 

-7- Dans l’analyse des impacts écologiques, il sera nécessaire en particulier de distinguer les différents types de navigation et de bateaux : navigation à voile, navigation à bord d’embarcations équipées d’un moteur de faible consommation, moteurs hors-bord 4 temps ou 2 temps, navigation à bord d’engins rapides disposant de 200 chevaux ou plus… Sauf dans ce cas particulier, on peut considérer que la pratique de la plaisance est plutôt moins polluante et moins émettrice en CO2 que les autres formes de tourisme.

Pour des raisons évidentes, on doit convenir que la calanque de Port Miou ne doive pas accueillir n’importe quel type de bateau et cette question devra être incluse dans le débat sur la réglementation des usages.

 

                                        

-8- Un cas exemplaire…

Je voudrais à ce propos attirer l’attention sur un exemple de « réglementation des usages » dont il est question actuellement, qui vise purement et simplement à interdire le mouillage dans la calanque d’En-Vau.

Quels arguments plaideraient en faveur de cette interdiction ?

-       détérioration des massifs de posidonie par les ancres des bateaux,

-       conflits d’usage entre plaisanciers, bateliers, baigneurs, canotiers…

 

Partant d’un constat (dont nous ne discuterons pas ici la validité), est proposé un remède qui se présente, là encore, comme une vraie fausse bonne idée…

-       On élimine le supposé « conflit d’usage » (page 16) en supprimant tous les usages sauf un (merci pour les autres).

-       On évacue les autres solutions possibles : il n’y aurait plus ni conflit d’usage ni  détérioration dues aux ancres simplement en adoptant une solution de mouillage sur bouées.

-       Plus grave : on ne projette pas l’impact d’une telle mesure :

o      ni sur le plan écologique, car la rotation à grande vitesse des bateaux de visite des calanques présente plus de risques qu’elle n’en  élimine : elle va augmenter le nombre de rotations (ce qui est l’objectif économique évidemment poursuivi) et donc la pollution liée aux échappements des gros moteurs,

o      ni sur le plan de la sécurité : elle supprime un abri naturel qui par temps de mistral peut s’avérer précieux pour les petites embarcations.

-       En réalité, au lieu de favoriser une régulation et une mixité des usages, et sous couvert de protection écologique, on succombe aux charmes d’une utilisation commerciale des calanques.

 

Ce cas est tout à fait exemplaire… exemplaire d’une méthode de prise de décision à proscrire, grossièrement irrespectueuse des usagers qui n’ont été ni informés ni consultés, contraire à toutes les déclarations d’intention depuis la visite l’an dernier de l’ancienne Ministre Madame Nelly OLLIN.

Exemple donc, à ne pas suivre !

 

Voilà donc quelques réflexions que je souhaitais mettre en discussion au niveau du GIP et des usagers de Port Miou.

Elles élargissent les points de vues présentés dans les rapports scientifiques et je persiste à penser que ce n’est qu’en ouvrant le débat que nous pourrons défendre l’idée du Parc National et que nous parviendrons à des solutions durables, admises par la grande majorité des usagers et pour le plus grand bien de tous !!!

 

Dans un souci de rigueur, je dois indiquer que ces réflexions ont été approuvées par le  Conseil d’Administration de l’UNPMC (le 21 Janvier 2008) mais qu’elles n’ont pas encore été débattues en Assemblée Générale. J’ai cependant la conviction qu’elles seront largement partagées.

 

 

Très cordialement

Jean-Paul COSTE

Président de l’UNPMC

jeanpaulcoste@free.fr